mercredi 30 septembre 2009

Fallait-il arrêter Roman Polanski ?

La Suisse a déclenché un tourbillon médiatique en décidant d’arrêter Roman Polanski à son arrivée sur le sol helvétique, samedi 26 septembre, alors que le réalisateur franco-polonais se rendait au Zurich Film Festival pour recevoir un prix. Placé en détention provisoire, il risque d’être extradé vers les Etats-Unis. Une situation qui consterne une partie de l’opinion.

Le cinéaste est rattrapé par une affaire vieille de plus de trente ans. Les faits qui lui sont reprochés par la justice américaine remontent à mars 1977 : alors âgé de 43 ans, il aurait au cours d’une séance photo fait consommer de la drogue à une jeune fille de 13 ans, avant d’avoir des relations sexuelles illégales avec elle. Incarcéré plus d’un mois après avoir plaidé coupable, il profite d’une sortie provisoire de prison pour fuir en Europe car le juge le menace d’une peine de 50 ans d’emprisonnement. Dès lors, Roman Polanski n’a jamais remis les pieds aux Etats-Unis, où il est sous le coup d’un mandat d’arrêt et donc considéré comme un «fugitif».

Acharnement judiciaire
L’année dernière, les avocats du réalisateur avaient demandé l’abandon des poursuites et le classement de l’affaire après la sortie du documentaire Roman Polanski : Wanted and desired, de Marina Zenovich. Le film avait apporté un jour nouveau à l’affaire : la réalisatrice s’était employée à démontrer l’acharnement judiciaire dont a été victime Roman Polanski. De plus, la victime de l’époque, Samantha Geimer, a demandé à la justice américaine d’abandonner les poursuites. En 2003, elle racontait au Los Angeles Times le revirement brutal du juge de l’époque, avant de déclarer : «Je n’ai pas de rancœur envers lui, ni aucune sympathie non plus.»

Fallait-il alors arrêter Roman Polanski, compte tenu de la procédure judiciaire inéquitable menée à l’époque et du fait que la victime souhaite depuis clore affaire une fois pour toutes ? L’opinion publique sous le coup de l’émotion crie «non !». Ainsi, une pétition en faveur du réalisateur oscarisé en 2003 a été signée par de grands noms du cinéma, tandis que les ministres Frédéric Mitterrand et Bernard Kouchner se sont indignés de cette arrestation brutale.

Peut-on invoquer la prescription ? Si l’Europe a pardonné au réalisateur, dont le talent a semble-t-il fait oublier la faute, les Américains peinent à comprendre cette attitude. Pour eux, Roman Polanski ne peut se soustraire indéfiniment à la justice. Ni sa célébrité ni l’assassinat de sa femme enceinte, Sharon Tate, quelques années auparavant ne peuvent servir d’excuse pour un délit aussi sérieux que le viol d’une mineure. Il est sans doute grand temps, à 76 ans, que Roman Polanski solde son compte avec la justice et cesse de jouer au chat et à la souris. La loi est la même pour tous. D’autant que la justice américaine peut se montrer compréhensive, au vu des irrégularités de la procédure, et classer définitivement l’affaire.

Des pressions sur la Suisse ?
Mais pourquoi cette arrestation soudaine ? Le réalisateur possède en effet un chalet à Gstaad où il séjournait régulièrement, «le plus officiellement du monde. Or, à aucun moment jusqu'à ce jour, il n'avait été inquiété par la justice helvétique», explique son avocat au Figaro.

Le lien est vite établi entre l’affaire Polanski et l’affaire UBS aux Etats-Unis, dont l’étau s’est resserré dernièrement autour du secret bancaire helvétique. Cependant, la ministre des affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey nie farouchement toute pression des USA, se posant toutefois «des questions sur la finesse de l’intervention». Sa collègue Doris Leuthard affirme que la Suisse n’avait pas d’autre alternative, en tant «qu’Etat où la police fonctionne». La décision aurait été motivée par le fait que Roman Polanski ne s’est pas rendu à une ultime convocation de la justice américaine en mai dernier. Ses avocats ont fait appel de la décision suisse.