samedi 28 février 2009

UBS plonge et entraîne le secret bancaire dans la tourmente

Le secret bancaire suisse a été violé. L’outrage a été commis avec le consentement forcé de la victime, UBS, première banque helvétique. La discrétion immuable qui a fait la réputation du pays – autant en bien qu’en mal – vient de prendre un sérieux coup. Un événement encore impensable il y a quelques mois. Or, depuis que la crise frappe l’économie mondiale, les institutions financières ne sont plus à l’abri d’une intervention abrupte des autorités.

La justice américaine a contraint UBS à lui révéler le nom de plus de 250 de ses clients qui ont fraudé le fisc par son entremise, révèle Le Temps mercredi 18 février. La banque a également dû payer une amende de 780 millions de dollars (600 millions d’euros). L’accord a été passé au mépris de la législation suisse, sous pression de la justice américaine qui menaçait UBS d’un retrait de licence aux États-Unis.

Désormais, les Américains réclament l’identité de quelque 52 000 clients supplémentaires, soupçonnés d’évasion fiscale via des comptes secrets. UBS refuse catégoriquement, mais les faits ne plaident pas en sa faveur. Une enquête menée depuis 2001 a mis au jour une combine lucrative, montée par des cadres de la banque, ayant permis à plusieurs milliers d’Américains d’échapper à fisc. Les États-Unis réclament des comptes.

La banque est à genoux. Première touchée par les subprimes en Europe, bénéficiaire d’un plan de sauvetage et de trois recapitalisations d’urgence, UBS affiche des pertes abyssales de 19,7 milliards de francs suisses (13 milliards d’euros) pour 2008. Le numéro un de la gestion de fortune a annoncé ce mois-ci 2 000 licenciements supplémentaires, qui s’ajoutent aux 11 000 suppressions de postes effectuées depuis octobre 2007. Enfin, son patron vient d’être remplacé en catastrophe. Certains craignent même la faillite d’UBS.

Le début de la fin

Les démêlés d’UBS avec la justice américaine signent-ils pour autant le début de la fin du secret bancaire Suisse ? Rien ne l’indique pour le moment, même si la place financière helvétique est ébranlée. « Le secret bancaire reste intact », a rassuré le ministre des finances Hanz-Rudolf Merz.

Le milieu politique s’interroge désormais sur la stratégie à mettre en œuvre pour protéger le secret bancaire, qu’il n’est pas prêt d’abandonner. Le Conseil fédéral vient de mettre en place une délégation. Cependant, les autorités semblent avancer vers davantage de coopération. Un pas forcé avait été fait l’été dernier, quand la Suisse avait signé un accord d’entraide administrative avec les USA dans l’affaire Birkenfeld.

L’Europe n’est pas en reste et entend bien s’engouffrer dans la brèche. La guerre déclarée voilà près d’un an par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel fait cause commune. L’Union Européenne veut sanctionner les paradis fiscaux à ses portes, et vise notamment le Luxembourg et la Suisse. L’affaire UBS ne fait que raviver les pressions de Bruxelles. On annonce déjà le prochain G20 du 2 avril comme une date clé dans la lutte contre les paradis fiscaux et autres secrets bancaires. « Une frêle menace », analyse cependant Jean-François Couvrat sur son blog. Affaire à suivre.

mercredi 18 février 2009

Drôle d’accent

« Alleeez les Bleeeeus ! » Qui a oublié cette pub Toyota où une supportrice suisse encourage tout de go l’équipe de France de football pour être prise en stop par un chauffeur un poil chauvin? Cette rengaine a vite réactualisé dans l’imaginaire collectif le cliché de l’accent suisse un peu benêt, caractérisé par une élocution traînante et biscornue pour l’oreille française.


Une illustration parmi tant d’autres de l’intérêt jamais démenti porté par les Hexagonaux à leurs cousins francophones dont l’accent et le vocabulaire sonnent « étrange ». Ainsi, rangés au même rayon que les Belges et les Québequois, les Suisses font l’objet autant de curiosité que de raillerie, dès lors qu’ils ouvrent la bouche.


Beaucoup de Romands ont d’ailleurs en horreur les Français qui tentent d’imiter leur accent. Mélange maladroit de savoyard et de vaudois ou de genevois, le résultat sonne très souvent faux. Un accent « fabriqué artificiellement » qui n’existerait que dans l’univers publicitaire parisien, estime Sylvain Besson, correspondant du journal Le Temps à Paris.


D’autres s’y essaient avec davantage de succès, comme l’humoriste Tex. Dans son spectacle « J’me sens bien », l’animateur se fait une joie de passer en revue les clichés qui résument la Suisse, sans oublier d’écorner l’intonation si particulière de ses habitants.


Mais vu de l’autre côté du lac Léman, ou plutôt « lac de Genève » pour les locaux, le parler français apparaît à l’inverse bien terne et lisse. Car ce qui fait l’intérêt de l’accent suisse, c’est justement sa musicalité si particulière. Elle se caractérise par une intonation qui chante, mettant en valeur les voyelles, soulignant certains mots et pas d’autres. L’accent suisse donne aussi la couleur du pays : à chaque canton le sien. Il caractérise la bonhomie, la joie de vivre qui fait la richesse des Suisses.

mardi 10 février 2009

Les Suisses disent «oui», le pays fait «ouf»

C'est d'une heureuse surprise qu'ont accouché les urnes suisses, au soir du 8 février. Un «oui» nettement majoritaire au référendum, qui reconduit les accords de libre circulation avec l'Union Européenne (UE) et entérine leur extension aux travailleurs de Roumanie et de Bulgarie, volet le plus sensible.

Les observateurs et autres sondages prédisaient un résultat serré. Manqué. Avec 59,6% de voix en faveur des relations avec l'UE, les Suisses démontrent qu'on avait sous-estimé leur capacité à garder la tête froide face à la tentation du repli protectionniste, réclamé à cris par l'UDC. Malgré une participation en baisse par rapport à 2005, date du précédant référendum sur la question, vingt-deux cantons sur vingt-six se sont prononcés pour le «oui», Vaud largement en tête à plus de 70%. Le nombre de cantons défavorables passe de sept à quatre.

Le pragmatisme a primé. Loin d'une europhilie soudaine, la crainte de la «clause guillotine» semble être à l'origine du sursaut de dimanche. En cas de rejet, c'était l'ensemble des Bilatérales I - qui facilitent les échanges commerciaux entre la Suisse et l'Europe - qui tombaient. En pleine crise économique, la menace de l'exclusion de l'espace Schengen a pesé de tout son poids. Le quotidien Le Matin avance quant à lui l'effet décisif sur l'issue du vote joué par le «trio de charme» composé par les Conseillères fédérales. Micheline Calmy-Rey, Eveline Widmer-Schlumpf et Doris Leuthard ont été très actives dans la campagne médiatique pour le «oui».

200 000 Européens ont travaillé en Suisse
Si l'UDC accuse le coup de la défaite, le parti populiste d'extrême droite ne s'avoue pas vaincu. «Nous remettrons ça avec la Croatie», prévient l'un de ses membres au journal Le Temps, anticipant sur un futur élargissement de l'UE. Depuis 2002, les Bilatérales I ont permis à 200 000 Européens de venir travailler en Suisse. «On peut véritablement parler de succès», analyse un rapport commandé par les autorités fédérales.

La tempête passée, une nouvelle bataille s'annonce. L'Union européenne entend s'attaquer le plus rapidement possible à la levée du secret bancaire, marque de fabrique des banques helvétiques. «Zurich a fait un pas vers l’Union», observe Jean Quatremer de Libération , avec l'abolition des avantages fiscaux accordés aux riches étrangers.