samedi 28 mars 2009

La frontière suisse se déplace

Les frontières, des lignes immuables ? Pas si sûr : celles de la Suisse ont bougé. Ce n’est en rien la conséquence d’une improbable guerre entre le pays neutre et l’un de ces cinq voisins. Non, si une partie des 1852 kilomètres qui entourent la Confédération s’est déplacée, le responsable n’est autre que la nature, ou plutôt le réchauffement climatique.

La fonte des glaciers entre la Suisse et l’Italie a fait reculer les bordures helvètes de quelques dizaines de mètres dans le Haut-Valais et les Grisons. Les bornes placées dans les années 1920-1930 pour matérialiser la frontière, inchangée depuis 1861, ont disparu avec le retrait des glaciers Mont-Rose et Piz-Bernina.

Un détail qui n’a pas échappé à l’Institut géographique militaire de Florence. Il s’est aperçu que « les frontières légales ne correspondent plus à la réalité », rapporte le quotidien La Repubblica. L’institut italien s’en est inquiété auprès de son homologue l'Agence cartographique fédérale de Berne (Swisstopo). Dans le même temps, le ministre des affaires étrangères Franco Frattini se hâtait de déposer un projet de loi devant la commission de la Chambre des députés pour réviser le tracé italo-suisse.

Une procédure lourde
On imagine mal la Suisse faire le premier pas, car c’est elle qui perd une partie de son territoire au profit des Italiens. Le directeur de Swisstopo avance quant à lui un argument technique. « Pour quelques mètres, on ne procède pas systématiquement à une rectification, d’autant plus que la procédure est assez lourde», explique Jean-Philippe Amstein à la Tribune de Genève.

Une commission d’experts binationaux doit désormais définir le nouveau tracé. Ensuite, les deux pays rectifieront leur frontière commune par voie parlementaire. « Autrefois, on définissait les frontières par la force des armes. Aujourd'hui, ce sont les experts qui le font », ironise Franco Narducci, le député italien rapporteur du projet de loi.

Crédit photo : Tonayo

vendredi 20 mars 2009

Le secret bancaire assiégé

L'Union européenne fait le siège de la place forte bancaire suisse, résolue à infléchir son fameux secret. Le sommet du G20 de Londres, le 2 avril, a des chances d'être le théâtre d'une bataille acharnée, voire de l'assaut final contre les systèmes bancaires marginaux d'Europe.

La Suisse n'entend pas pour autant se laisser discréditer sans réagir, d'où le coup de semonce de Micheline Calmy-Rey lors de son récent passage à Paris. « La Suisse n'est pas un paradis fiscal, pas un État voyou, pas un État non coopératif », a tonné la chef de la diplomatie, mercredi 17 mars. La conseillère fédérale s'est indignée de la présence hypothétique de la Suisse sur la liste noire des paradis fiscaux de l'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques).

D'autant que la Confédération helvétique fait d'importantes concessions pour rentrer dans le rang. Elle a annoncé en même temps que la Belgique, l'Autriche, le Luxembourg et Andorre un assouplissement du secret bancaire, pour se plier aux critères de l'OCDE dans l'échange d'informations fiscales avec les pays étrangers. Le secret ne sera plus seulement levé en matière de fraude fiscale, mais aussi dans les cas de simples évasions à l'impôt (article 26 alinéa 2). La suppression de la distinction entre fraude et évasion fait planer la menace de poursuites pour de nombreux clients étrangers des banques suisses.

Relations dégradées
Paris en a profité pour s'engouffrer dans la brèche. La France a gelé la ratification de la convention fiscale, signée entre les deux pays en janvier, tant que la Suisse n'aura pas ajouté le critère de l'OCDE dans le texte. Le ministre du budget français Eric Woerth escompte le retour de plusieurs milliards d'euros à l'abri en Suisse. Les relations germano-suisses sont pires. Le ministre allemand des finances, Peer Steinbrück, a récemment mis le feu aux poudres après avoir comparé le pays à des « Indiens qui fuient devant la cavalerie ». En réponse, ce dernier s'est vu assimilé à un nazi par un député suisse et aurait reçu des lettres de menace.

Cependant, le rendez-vous du G20 pourrait être moins disputé que prévu. Les dirigeants du l'Union européenne ont assuré, vendredi 20 mars, que la Suisse, l'Autriche et le Luxembourg ne figureraient pas sur la liste noire de l'OCDE. La pression va-t-elle se relâcher pour autant ? Réponse le 2 avril.

Crédit Photo : World Economic Forum

vendredi 13 mars 2009

Une proposition en faveur de l’enseignement du créationnisme à l’école

Darwin vient à peine de souffler ses 200 bougies qu’un vent de défiance s’en prend à sa théorie de l’évolution des espèces (1859) en Suisse. « Les créationnistes se lancent à l’assaut des écoles suisses », titre Le Matin qui révèle le lancement prochain d’une initiative populaire par des « fondamentalistes » chrétiens pour que les thèses créationnistes soient enseignées en cours de biologie au même titre que la théorie de l’évolution, comme dans certaines écoles américaines.

A l’origine de la proposition qui risque de soulever la polémique se trouve Gian Luca Cariget, conseiller d’entreprise zurichois et fondateur de l’association ProGenesis. Le quinquagénaire n’en est pas à son premier coup d’éclat. Dans les cartons de son organisation, on retrouve un utopique projet de parc d’attractions en Suisse alémanique : Genesis-Land, lancé en 2005. L’objectif affiché est de contrer « la théorie omniprésente de l'évolution de Darwin » en illustrant à la lettre les récits de la Bible, de la Genèse à l’Apocalyspe, avec en clou du spectacle une immense arche de Noé flottant sur un lac artificiel.

Une approche qui n’est pas sans rappeler celle du Musée de la création de Petersburg, dans le Kentucky. Le musée fait une lecture littérale de la fondation du monde en six jours décrite dans la Bible. Aux Etats-Unis, qui font figure de berceau du créationnisme chrétien, un demi million de visiteurs se sont pressés au musée la première année. Cet exemple parmi d’autres accréditerait l’idée d’un retour des obscurantismes dans nos sociétés modernes, au rang desquels le créationnisme figure en bonne place.

Les Suisses moins favorables à la théorie de l’évolution
Bien que l’initiative populaire ait très peu de chance de percer, elle relance le débat en Suisse. D’autant que le pays ne fait pas office de bastion inébranlable des thèses darwiniennes. Dans le dossier de l’hebdomadaire Courrier International consacré au bicentenaire de la naissance de Darwin (numéro 954 de mi-février), une étude déjà évoquée par la Tribune de Genève en 2006 figure la Suisse parmi les pays européens les moins favorables à la théorie de l’évolution (voir extrait ci-contre).

À la question « Les hommes d’aujourd’hui se sont-ils développés à partir d’espèces animales qui vivaient auparavant ? », qui revient à tester l’adhésion à la théorie de l’évolution, les Suisses ont répondu « oui » à un peu plus de 60%, tandis que près de 30% réfutent cette thèse. A titre de comparaison, les Français croient dur comme fer en Darwin (80% « oui » ; 15% « non »), les Etasuniens sont partagés (40% « oui » ; 39% « non ») et les Turcs rejettent massivement la théorie évolutionniste (25% « oui » ; 50% « non »). Le créationnisme est en effet beaucoup plus répandu dans les pays de confession musulmane que dans les pays de tradition judéo-chrétienne.

Au-delà des convictions personnelles, il toutefois est hasardeux de faire cohabiter sur un pied d’égalité science et religion, qui n’ont pas vocation à être comparées. Chacune délivre ses réponses, dans le champ qui est le sien. A noter que la Vatican, pourtant en retard sur de nombreuses questions de société, a admis la théorie de l’évolution en 1950 dans l’encyclique Humani Generis.

Crédit photo : Darwin Bell

samedi 7 mars 2009

L’automobile forcée de se mettre au vert

C’est le premier événement de Suisse en terme de fréquentation. Le salon de l’automobile de Genève, qui a ouvert ses portes mardi, devrait attirer environs 700 000 visiteurs. A moins que cette 79e édition ne soit boudée pour cause de crise.

Il est vrai que la voiture, fer de lance de la société de consommation depuis la Ford T, a pris du plomb dans le réservoir. Le marché mondial est en panne sèche et certains géants (GM, DaimlerChrysler) menacent de finir à la casse. Impact dans les halls du Palexpo : les constructeurs réduisent le nombre de nouveaux modèles et évitent les dépenses somptuaires sur leurs stands.

L’industrie de l’automobile n’a peut-être jamais été aussi près de la transition vers un avenir couleur gazon. C’est en tout cas l’impression que donnent les grands constructeurs, qui investissent massivement dans des technologies plus respectueuses de l’environnement. Ainsi, la nouveauté du salon réside dans un pavillon vert exclusivement aménagé pour les voitures « vertes ». Hybride, électrique, hydrogène, gaz, GPL ou bio-carburants : il y a visiblement l’embarras du choix. Les km/h ne comptent plus, la performance s’évalue désormais en gr/km de CO2, soit la quantité d’émission de gaz à effet de serre.

Ligne époustouflante
Petit tour au parking des nouveautés écolos. Tout d’abord celles qui font rêver. L’une des vedettes vertes est sans doute le Tesla Roadster. Un bolide électrique qui accélère de 0 à 100 km/h en moins de 4 secondes. Dans la veine des supercars, Bentley dévoile une Continental Supersports dont les 630 chevaux carburent au bioéthanol E85. Et que dire de la ligne époustouflante de l’Infinity Essence concept de Nissan, au moteur hydride (thermique – électrique).

Plus accessible pour le porte-monnaie de monsieur tout le monde, Toyota révèle sa troisième version de la Prius. Apparue en 1997, la pionnière (premier véhicule hybride à être commercialisé) a dépassé le million d’exemplaires vendus l’année dernière. Opel fait la lumière sur son électrique Ampera. Avec la Polo Blue Motion Concept, Wolkswagen fait une cure d’amaigrissement en rejets de CO2. Quant au groupe Bolloré, il vient de lancer les réservations pour sa BlueCar à brancher sur le secteur.

Pendant ce temps, les automobilistes bouillent d’impatience, sous l’effet du réchauffement climatique. Et si l’électrique était la meilleure solution? Le collaborateur du Temps Luc Debraine estime qu’après un siècle, « la voiture électrique, telle qu’elle se dessine en 2009, a un potentiel qui ne se mesure pas qu’en volts ». Les avantages considérables du moteur électrique (propreté, rendement, confort) ne sauraient pourtant cacher ses faiblesses (autonomie, batteries, déficit d’image). L’automobile verte a encore de la route à faire.

> 79e salon international de l’auto de Genève, au Palexpo du 5 au 15 mars 2009

Crédit Photo : Mastrobiggo