Darwin vient à peine de souffler ses 200 bougies qu’un vent de défiance s’en prend à sa théorie de l’évolution des espèces (1859) en Suisse. « Les créationnistes se lancent à l’assaut des écoles suisses », titre Le Matin qui révèle le lancement prochain d’une initiative populaire par des « fondamentalistes » chrétiens pour que les thèses créationnistes soient enseignées en cours de biologie au même titre que la théorie de l’évolution, comme dans certaines écoles américaines.
A l’origine de la proposition qui risque de soulever la polémique se trouve Gian Luca Cariget, conseiller d’entreprise zurichois et fondateur de l’association ProGenesis. Le quinquagénaire n’en est pas à son premier coup d’éclat. Dans les cartons de son organisation, on retrouve un utopique projet de parc d’attractions en Suisse alémanique : Genesis-Land, lancé en 2005. L’objectif affiché est de contrer « la théorie omniprésente de l'évolution de Darwin » en illustrant à la lettre les récits de la Bible, de la Genèse à l’Apocalyspe, avec en clou du spectacle une immense arche de Noé flottant sur un lac artificiel.
Une approche qui n’est pas sans rappeler celle du Musée de la création de Petersburg, dans le Kentucky. Le musée fait une lecture littérale de la fondation du monde en six jours décrite dans la Bible. Aux Etats-Unis, qui font figure de berceau du créationnisme chrétien, un demi million de visiteurs se sont pressés au musée la première année. Cet exemple parmi d’autres accréditerait l’idée d’un retour des obscurantismes dans nos sociétés modernes, au rang desquels le créationnisme figure en bonne place.
Les Suisses moins favorables à la théorie de l’évolution
Bien que l’initiative populaire ait très peu de chance de percer, elle relance le débat en Suisse. D’autant que le pays ne fait pas office de bastion inébranlable des thèses darwiniennes. Dans le dossier de l’hebdomadaire Courrier International consacré au bicentenaire de la naissance de Darwin (numéro 954 de mi-février), une étude déjà évoquée par la Tribune de Genève en 2006 figure la Suisse parmi les pays européens les moins favorables à la théorie de l’évolution (voir extrait ci-contre).
À la question « Les hommes d’aujourd’hui se sont-ils développés à partir d’espèces animales qui vivaient auparavant ? », qui revient à tester l’adhésion à la théorie de l’évolution, les Suisses ont répondu « oui » à un peu plus de 60%, tandis que près de 30% réfutent cette thèse. A titre de comparaison, les Français croient dur comme fer en Darwin (80% « oui » ; 15% « non »), les Etasuniens sont partagés (40% « oui » ; 39% « non ») et les Turcs rejettent massivement la théorie évolutionniste (25% « oui » ; 50% « non »). Le créationnisme est en effet beaucoup plus répandu dans les pays de confession musulmane que dans les pays de tradition judéo-chrétienne.
Au-delà des convictions personnelles, il toutefois est hasardeux de faire cohabiter sur un pied d’égalité science et religion, qui n’ont pas vocation à être comparées. Chacune délivre ses réponses, dans le champ qui est le sien. A noter que la Vatican, pourtant en retard sur de nombreuses questions de société, a admis la théorie de l’évolution en 1950 dans l’encyclique Humani Generis.
Crédit photo : Darwin Bell
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