vendredi 2 octobre 2009
Un journal est mort
Or, cette fusion ce trouve être la partie la plus visible d'un bouleversement important dans le paysage des médias suisses : le rachat progressif du groupe de presse romand Edipresse Suisse (propriétaire du Matin Bleu, mais aussi des quotidiens 24 heures, La Tribune de Genève, Le Matin) par le groupe suisse allemand Tamedia basé à Zurich (propriétaire de 20 Minutes). Ce rapprochement crée le quatrième groupe de presse suisse par le chiffre d'affaires (1,25 milliard de francs et 700 salariés), tandis que disparaît la dernière grande entreprise de médias romande.
«La mort d'un journal n'est plus ce qu'elle était», regrette avec nostalgie la journaliste Sylvie Arsever dans Le Temps. Elle se souvient de l'époque ou l'on pleurait encore la disparition d'un journal (La Suisse en 1994). Espérons toutefois que le 20 Minutes nouvelle version soit d'une qualité éditoriale meilleure que son prédécesseur...
Crédit photo : Pimboula
mercredi 30 septembre 2009
Fallait-il arrêter Roman Polanski ?
Le cinéaste est rattrapé par une affaire vieille de plus de trente ans. Les faits qui lui sont reprochés par la justice américaine remontent à mars 1977 : alors âgé de 43 ans, il aurait au cours d’une séance photo fait consommer de la drogue à une jeune fille de 13 ans, avant d’avoir des relations sexuelles illégales avec elle. Incarcéré plus d’un mois après avoir plaidé coupable, il profite d’une sortie provisoire de prison pour fuir en Europe car le juge le menace d’une peine de 50 ans d’emprisonnement. Dès lors, Roman Polanski n’a jamais remis les pieds aux Etats-Unis, où il est sous le coup d’un mandat d’arrêt et donc considéré comme un «fugitif».
Acharnement judiciaire
L’année dernière, les avocats du réalisateur avaient demandé l’abandon des poursuites et le classement de l’affaire après la sortie du documentaire Roman Polanski : Wanted and desired, de Marina Zenovich. Le film avait apporté un jour nouveau à l’affaire : la réalisatrice s’était employée à démontrer l’acharnement judiciaire dont a été victime Roman Polanski. De plus, la victime de l’époque, Samantha Geimer, a demandé à la justice américaine d’abandonner les poursuites. En 2003, elle racontait au Los Angeles Times le revirement brutal du juge de l’époque, avant de déclarer : «Je n’ai pas de rancœur envers lui, ni aucune sympathie non plus.»
Fallait-il alors arrêter Roman Polanski, compte tenu de la procédure judiciaire inéquitable menée à l’époque et du fait que la victime souhaite depuis clore affaire une fois pour toutes ? L’opinion publique sous le coup de l’émotion crie «non !». Ainsi, une pétition en faveur du réalisateur oscarisé en 2003 a été signée par de grands noms du cinéma, tandis que les ministres Frédéric Mitterrand et Bernard Kouchner se sont indignés de cette arrestation brutale.
Peut-on invoquer la prescription ? Si l’Europe a pardonné au réalisateur, dont le talent a semble-t-il fait oublier la faute, les Américains peinent à comprendre cette attitude. Pour eux, Roman Polanski ne peut se soustraire indéfiniment à la justice. Ni sa célébrité ni l’assassinat de sa femme enceinte, Sharon Tate, quelques années auparavant ne peuvent servir d’excuse pour un délit aussi sérieux que le viol d’une mineure. Il est sans doute grand temps, à 76 ans, que Roman Polanski solde son compte avec la justice et cesse de jouer au chat et à la souris. La loi est la même pour tous. D’autant que la justice américaine peut se montrer compréhensive, au vu des irrégularités de la procédure, et classer définitivement l’affaire.
Des pressions sur la Suisse ?
Mais pourquoi cette arrestation soudaine ? Le réalisateur possède en effet un chalet à Gstaad où il séjournait régulièrement, «le plus officiellement du monde. Or, à aucun moment jusqu'à ce jour, il n'avait été inquiété par la justice helvétique», explique son avocat au Figaro.
Le lien est vite établi entre l’affaire Polanski et l’affaire UBS aux Etats-Unis, dont l’étau s’est resserré dernièrement autour du secret bancaire helvétique. Cependant, la ministre des affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey nie farouchement toute pression des USA, se posant toutefois «des questions sur la finesse de l’intervention». Sa collègue Doris Leuthard affirme que la Suisse n’avait pas d’autre alternative, en tant «qu’Etat où la police fonctionne». La décision aurait été motivée par le fait que Roman Polanski ne s’est pas rendu à une ultime convocation de la justice américaine en mai dernier. Ses avocats ont fait appel de la décision suisse.
mardi 9 juin 2009
Federer : le meilleur de tous les temps
« Une lente et savante gestation, est arrivée à son terme » se félicite Le Temps, dans un clin d’œil à l’enfant que porte l’épouse du Bâlois. Le quotidien consacre une édition spéciale en ligne [accès limité] à cette « libération de Paris ». Le tennisman est sacré « roi de Roland Garros » par Swissinfo.ch. Le site souligne « l’aboutissement ultime pour Federer, qui semblait ne jamais devoir s’imposer sur la terre battue parisienne ». A aboutissement ultime, question ultime.
Federer est-il devenu « le plus grand joueur de tous les temps » ? Certains n’hésitent pas à franchir le pas comme 24 heures, relevant que le tennisman a réussi « l’année où il semblait le plus vulnérable ». La Tribune de Genève aussi, qui assure que l’intéressé « a toujours rêvé de laisser une trace » dans l’histoire.
Pourtant, le paradoxe veut que Federer accède à la première marche de ce podium éternel en étant techniquement numéro deux au classement ATP, et sans non plus dépasser le record qu’il codétient avec Pete Sampras. Mais l’Américain ne se berce pas d’illusions, persuadé que le Suisse n’en est pas à sa dernière victoire en Grand Chelem. Il lui accorde même le titre, estimant que sa victoire parisienne « consolide sa place dans l’histoire en tant que meilleur joueur de tous les temps ».
Federer est-il arrivé au sommet? Le Matin se perd en conjectures et voit déjà le tennisman reprendre sa couronne de numéro un à Rafael Nadal le mois prochain, sur le court de Wimbledon. Une chose est certaine : Roger Federer n’a pas fini d’écrire l’histoire du tennis du bout de sa raquette.
lundi 6 avril 2009
Sommet mondial pour une liste grise
« Le secret bancaire du passé doit prendre fin », a prévenu le premier ministre britannique Gordon Brown, en conclusion du G20 de Londres. Toutefois, la Suisse avait eu l’assurance qu’elle ne figurerait pas sur la liste noire. Au final, le pays échoue sur une « liste grise ». La lecture du listing publié par l’OCDE, qui énumère les Etats fiscalement non coopératifs, est édifiante, pour ne pas dire déroutante.
A en croire le document, seuls quatre pays composent la liste noire et seraient vraiment non coopératifs : le Costa-Rica, la Malaisie, les Philippines et l’Uruguay. A noter l’absence de places comme Hong-Kong ou Macao, la Chine ayant fait pression pour que ses dépendances n’y figurent pas. Stupéfaction aussi concernant la liste blanche, qui comprend les paradis de Jersey, Guernesey et l'Île de Man, trois annexes britanniques. Reste une vaste antichambre où sont répertoriés une trentaine de paradis fiscaux et « autres centres financiers » (dont la Suisse), qui ont accepté de se plier aux standards de l’OCDE et doivent les mettre en œuvre.
Ce gris qui arrange tout le monde
L’éléphant a accouché d’une souris. Le G20 promettait des décisions fortes, mais a débouché sur un compromis. Personne n’est réellement black listé, personne n’est blanchi pour autant. Ce gris arrange tout le monde. Néanmoins, si les places financières usant du secret bancaire ont évité le pire, elles apparaissent comme perdantes. La Confédération helvétique, le Liechtenstein, le Luxembourg et l'Autriche ont dû faire de lourdes concessions, qu’il va désormais falloir mettre en place.
En cédant à l’OCDE la distinction entre évasion et fraude fiscale pour les résidents étrangers, la Suisse a abandonné un part de ce qui faisait l’essence de sa vénérable institution bancaire. « La Suisse est un État sérieux: elle fait ce qu'elle dit », rappelle Micheline Calmy-Rey. Le pays se voit contraint à remettre à plat près de 70 conventions fiscales avec l’étanger, les USA en tête. Un processus de longue halène prévient le président Hans-Rudolf Merz, conscient des « lenteurs inhérentes à la démocratie directe suisse. »
samedi 28 mars 2009
La frontière suisse se déplace
La fonte des glaciers entre la Suisse et l’Italie a fait reculer les bordures helvètes de quelques dizaines de mètres dans le Haut-Valais et les Grisons. Les bornes placées dans les années 1920-1930 pour matérialiser la frontière, inchangée depuis 1861, ont disparu avec le retrait des glaciers Mont-Rose et Piz-Bernina.
Un détail qui n’a pas échappé à l’Institut géographique militaire de Florence. Il s’est aperçu que « les frontières légales ne correspondent plus à la réalité », rapporte le quotidien La Repubblica. L’institut italien s’en est inquiété auprès de son homologue l'Agence cartographique fédérale de Berne (Swisstopo). Dans le même temps, le ministre des affaires étrangères Franco Frattini se hâtait de déposer un projet de loi devant la commission de la Chambre des députés pour réviser le tracé italo-suisse.
Une procédure lourde
On imagine mal la Suisse faire le premier pas, car c’est elle qui perd une partie de son territoire au profit des Italiens. Le directeur de Swisstopo avance quant à lui un argument technique. « Pour quelques mètres, on ne procède pas systématiquement à une rectification, d’autant plus que la procédure est assez lourde», explique Jean-Philippe Amstein à la Tribune de Genève.
Une commission d’experts binationaux doit désormais définir le nouveau tracé. Ensuite, les deux pays rectifieront leur frontière commune par voie parlementaire. « Autrefois, on définissait les frontières par la force des armes. Aujourd'hui, ce sont les experts qui le font », ironise Franco Narducci, le député italien rapporteur du projet de loi.
Crédit photo : Tonayo
vendredi 20 mars 2009
Le secret bancaire assiégé
La Suisse n'entend pas pour autant se laisser discréditer sans réagir, d'où le coup de semonce de Micheline Calmy-Rey lors de son récent passage à Paris. « La Suisse n'est pas un paradis fiscal, pas un État voyou, pas un État non coopératif », a tonné la chef de la diplomatie, mercredi 17 mars. La conseillère fédérale s'est indignée de la présence hypothétique de la Suisse sur la liste noire des paradis fiscaux de l'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques).
D'autant que la Confédération helvétique fait d'importantes concessions pour rentrer dans le rang. Elle a annoncé en même temps que la Belgique, l'Autriche, le Luxembourg et Andorre un assouplissement du secret bancaire, pour se plier aux critères de l'OCDE dans l'échange d'informations fiscales avec les pays étrangers. Le secret ne sera plus seulement levé en matière de fraude fiscale, mais aussi dans les cas de simples évasions à l'impôt (article 26 alinéa 2). La suppression de la distinction entre fraude et évasion fait planer la menace de poursuites pour de nombreux clients étrangers des banques suisses.
Relations dégradées
Paris en a profité pour s'engouffrer dans la brèche. La France a gelé la ratification de la convention fiscale, signée entre les deux pays en janvier, tant que la Suisse n'aura pas ajouté le critère de l'OCDE dans le texte. Le ministre du budget français Eric Woerth escompte le retour de plusieurs milliards d'euros à l'abri en Suisse. Les relations germano-suisses sont pires. Le ministre allemand des finances, Peer Steinbrück, a récemment mis le feu aux poudres après avoir comparé le pays à des « Indiens qui fuient devant la cavalerie ». En réponse, ce dernier s'est vu assimilé à un nazi par un député suisse et aurait reçu des lettres de menace.
Cependant, le rendez-vous du G20 pourrait être moins disputé que prévu. Les dirigeants du l'Union européenne ont assuré, vendredi 20 mars, que la Suisse, l'Autriche et le Luxembourg ne figureraient pas sur la liste noire de l'OCDE. La pression va-t-elle se relâcher pour autant ? Réponse le 2 avril.
Crédit Photo : World Economic Forum
vendredi 13 mars 2009
Une proposition en faveur de l’enseignement du créationnisme à l’école
A l’origine de la proposition qui risque de soulever la polémique se trouve Gian Luca Cariget, conseiller d’entreprise zurichois et fondateur de l’association ProGenesis. Le quinquagénaire n’en est pas à son premier coup d’éclat. Dans les cartons de son organisation, on retrouve un utopique projet de parc d’attractions en Suisse alémanique : Genesis-Land, lancé en 2005. L’objectif affiché est de contrer « la théorie omniprésente de l'évolution de Darwin » en illustrant à la lettre les récits de la Bible, de la Genèse à l’Apocalyspe, avec en clou du spectacle une immense arche de Noé flottant sur un lac artificiel.
Une approche qui n’est pas sans rappeler celle du Musée de la création de Petersburg, dans le Kentucky. Le musée fait une lecture littérale de la fondation du monde en six jours décrite dans la Bible. Aux Etats-Unis, qui font figure de berceau du créationnisme chrétien, un demi million de visiteurs se sont pressés au musée la première année. Cet exemple parmi d’autres accréditerait l’idée d’un retour des obscurantismes dans nos sociétés modernes, au rang desquels le créationnisme figure en bonne place.
Les Suisses moins favorables à la théorie de l’évolution
Bien que l’initiative populaire ait très peu de chance de percer, elle relance le débat en Suisse. D’autant que le pays ne fait pas office de bastion inébranlable des thèses darwiniennes. Dans le dossier de l’hebdomadaire Courrier International consacré au bicentenaire de la naissance de Darwin (numéro 954 de mi-février), une étude déjà évoquée par la Tribune de Genève en 2006 figure la Suisse parmi les pays européens les moins favorables à la théorie de l’évolution (voir extrait ci-contre).
À la question « Les hommes d’aujourd’hui se sont-ils développés à partir d’espèces animales qui vivaient auparavant ? », qui revient à tester l’adhésion à la théorie de l’évolution, les Suisses ont répondu « oui » à un peu plus de 60%, tandis que près de 30% réfutent cette thèse. A titre de comparaison, les Français croient dur comme fer en Darwin (80% « oui » ; 15% « non »), les Etasuniens sont partagés (40% « oui » ; 39% « non ») et les Turcs rejettent massivement la théorie évolutionniste (25% « oui » ; 50% « non »). Le créationnisme est en effet beaucoup plus répandu dans les pays de confession musulmane que dans les pays de tradition judéo-chrétienne.
Au-delà des convictions personnelles, il toutefois est hasardeux de faire cohabiter sur un pied d’égalité science et religion, qui n’ont pas vocation à être comparées. Chacune délivre ses réponses, dans le champ qui est le sien. A noter que la Vatican, pourtant en retard sur de nombreuses questions de société, a admis la théorie de l’évolution en 1950 dans l’encyclique Humani Generis.
Crédit photo : Darwin Bell
samedi 7 mars 2009
L’automobile forcée de se mettre au vert
Il est vrai que la voiture, fer de lance de la société de consommation depuis la Ford T, a pris du plomb dans le réservoir. Le marché mondial est en panne sèche et certains géants (GM, DaimlerChrysler) menacent de finir à la casse. Impact dans les halls du Palexpo : les constructeurs réduisent le nombre de nouveaux modèles et évitent les dépenses somptuaires sur leurs stands.
L’industrie de l’automobile n’a peut-être jamais été aussi près de la transition vers un avenir couleur gazon. C’est en tout cas l’impression que donnent les grands constructeurs, qui investissent massivement dans des technologies plus respectueuses de l’environnement. Ainsi, la nouveauté du salon réside dans un pavillon vert exclusivement aménagé pour les voitures « vertes ». Hybride, électrique, hydrogène, gaz, GPL ou bio-carburants : il y a visiblement l’embarras du choix. Les km/h ne comptent plus, la performance s’évalue désormais en gr/km de CO2, soit la quantité d’émission de gaz à effet de serre.
Ligne époustouflante
Petit tour au parking des nouveautés écolos. Tout d’abord celles qui font rêver. L’une des vedettes vertes est sans doute le Tesla Roadster. Un bolide électrique qui accélère de 0 à 100 km/h en moins de 4 secondes. Dans la veine des supercars, Bentley dévoile une Continental Supersports dont les 630 chevaux carburent au bioéthanol E85. Et que dire de la ligne époustouflante de l’Infinity Essence concept de Nissan, au moteur hydride (thermique – électrique).
Plus accessible pour le porte-monnaie de monsieur tout le monde, Toyota révèle sa troisième version de la Prius. Apparue en 1997, la pionnière (premier véhicule hybride à être commercialisé) a dépassé le million d’exemplaires vendus l’année dernière. Opel fait la lumière sur son électrique Ampera. Avec la Polo Blue Motion Concept, Wolkswagen fait une cure d’amaigrissement en rejets de CO2. Quant au groupe Bolloré, il vient de lancer les réservations pour sa BlueCar à brancher sur le secteur.
Pendant ce temps, les automobilistes bouillent d’impatience, sous l’effet du réchauffement climatique. Et si l’électrique était la meilleure solution? Le collaborateur du Temps Luc Debraine estime qu’après un siècle, « la voiture électrique, telle qu’elle se dessine en 2009, a un potentiel qui ne se mesure pas qu’en volts ». Les avantages considérables du moteur électrique (propreté, rendement, confort) ne sauraient pourtant cacher ses faiblesses (autonomie, batteries, déficit d’image). L’automobile verte a encore de la route à faire.
> 79e salon international de l’auto de Genève, au Palexpo du 5 au 15 mars 2009
Crédit Photo : Mastrobiggo
samedi 28 février 2009
UBS plonge et entraîne le secret bancaire dans la tourmente
La justice américaine a contraint UBS à lui révéler le nom de plus de 250 de ses clients qui ont fraudé le fisc par son entremise, révèle Le Temps mercredi 18 février. La banque a également dû payer une amende de 780 millions de dollars (600 millions d’euros). L’accord a été passé au mépris de la législation suisse, sous pression de la justice américaine qui menaçait UBS d’un retrait de licence aux États-Unis.
Désormais, les Américains réclament l’identité de quelque 52 000 clients supplémentaires, soupçonnés d’évasion fiscale via des comptes secrets. UBS refuse catégoriquement, mais les faits ne plaident pas en sa faveur. Une enquête menée depuis 2001 a mis au jour une combine lucrative, montée par des cadres de la banque, ayant permis à plusieurs milliers d’Américains d’échapper à fisc. Les États-Unis réclament des comptes.
La banque est à genoux. Première touchée par les subprimes en Europe, bénéficiaire d’un plan de sauvetage et de trois recapitalisations d’urgence, UBS affiche des pertes abyssales de 19,7 milliards de francs suisses (13 milliards d’euros) pour 2008. Le numéro un de la gestion de fortune a annoncé ce mois-ci 2 000 licenciements supplémentaires, qui s’ajoutent aux 11 000 suppressions de postes effectuées depuis octobre 2007. Enfin, son patron vient d’être remplacé en catastrophe. Certains craignent même la faillite d’UBS.
Le début de la fin
Les démêlés d’UBS avec la justice américaine signent-ils pour autant le début de la fin du secret bancaire Suisse ? Rien ne l’indique pour le moment, même si la place financière helvétique est ébranlée. « Le secret bancaire reste intact », a rassuré le ministre des finances Hanz-Rudolf Merz.
Le milieu politique s’interroge désormais sur la stratégie à mettre en œuvre pour protéger le secret bancaire, qu’il n’est pas prêt d’abandonner. Le Conseil fédéral vient de mettre en place une délégation. Cependant, les autorités semblent avancer vers davantage de coopération. Un pas forcé avait été fait l’été dernier, quand la Suisse avait signé un accord d’entraide administrative avec les USA dans l’affaire Birkenfeld.
L’Europe n’est pas en reste et entend bien s’engouffrer dans la brèche. La guerre déclarée voilà près d’un an par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel fait cause commune. L’Union Européenne veut sanctionner les paradis fiscaux à ses portes, et vise notamment le Luxembourg et la Suisse. L’affaire UBS ne fait que raviver les pressions de Bruxelles. On annonce déjà le prochain G20 du 2 avril comme une date clé dans la lutte contre les paradis fiscaux et autres secrets bancaires. « Une frêle menace », analyse cependant Jean-François Couvrat sur son blog. Affaire à suivre.
mercredi 18 février 2009
Drôle d’accent
« Alleeez les Bleeeeus ! » Qui a oublié cette pub Toyota où une supportrice suisse encourage tout de go l’équipe de France de football pour être prise en stop par un chauffeur un poil chauvin? Cette rengaine a vite réactualisé dans l’imaginaire collectif le cliché de l’accent suisse un peu benêt, caractérisé par une élocution traînante et biscornue pour l’oreille française.
Une illustration parmi tant d’autres de l’intérêt jamais démenti porté par les Hexagonaux à leurs cousins francophones dont l’accent et le vocabulaire sonnent « étrange ». Ainsi, rangés au même rayon que les Belges et les Québequois, les Suisses font l’objet autant de curiosité que de raillerie, dès lors qu’ils ouvrent la bouche.
Beaucoup de Romands ont d’ailleurs en horreur les Français qui tentent d’imiter leur accent. Mélange maladroit de savoyard et de vaudois ou de genevois, le résultat sonne très souvent faux. Un accent « fabriqué artificiellement » qui n’existerait que dans l’univers publicitaire parisien, estime Sylvain Besson, correspondant du journal Le Temps à Paris.
D’autres s’y essaient avec davantage de succès, comme l’humoriste Tex. Dans son spectacle « J’me sens bien », l’animateur se fait une joie de passer en revue les clichés qui résument
Mais vu de l’autre côté du lac Léman, ou plutôt « lac de Genève » pour les locaux, le parler français apparaît à l’inverse bien terne et lisse. Car ce qui fait l’intérêt de l’accent suisse, c’est justement sa musicalité si particulière. Elle se caractérise par une intonation qui chante, mettant en valeur les voyelles, soulignant certains mots et pas d’autres. L’accent suisse donne aussi la couleur du pays : à chaque canton le sien. Il caractérise la bonhomie, la joie de vivre qui fait la richesse des Suisses.
mardi 10 février 2009
Les Suisses disent «oui», le pays fait «ouf»
Les observateurs et autres sondages prédisaient un résultat serré. Manqué. Avec 59,6% de voix en faveur des relations avec l'UE, les Suisses démontrent qu'on avait sous-estimé leur capacité à garder la tête froide face à la tentation du repli protectionniste, réclamé à cris par l'UDC. Malgré une participation en baisse par rapport à 2005, date du précédant référendum sur la question, vingt-deux cantons sur vingt-six se sont prononcés pour le «oui», Vaud largement en tête à plus de 70%. Le nombre de cantons défavorables passe de sept à quatre.
Le pragmatisme a primé. Loin d'une europhilie soudaine, la crainte de la «clause guillotine» semble être à l'origine du sursaut de dimanche. En cas de rejet, c'était l'ensemble des Bilatérales I - qui facilitent les échanges commerciaux entre la Suisse et l'Europe - qui tombaient. En pleine crise économique, la menace de l'exclusion de l'espace Schengen a pesé de tout son poids. Le quotidien Le Matin avance quant à lui l'effet décisif sur l'issue du vote joué par le «trio de charme» composé par les Conseillères fédérales. Micheline Calmy-Rey, Eveline Widmer-Schlumpf et Doris Leuthard ont été très actives dans la campagne médiatique pour le «oui».
200 000 Européens ont travaillé en Suisse
Si l'UDC accuse le coup de la défaite, le parti populiste d'extrême droite ne s'avoue pas vaincu. «Nous remettrons ça avec la Croatie», prévient l'un de ses membres au journal Le Temps, anticipant sur un futur élargissement de l'UE. Depuis 2002, les Bilatérales I ont permis à 200 000 Européens de venir travailler en Suisse. «On peut véritablement parler de succès», analyse un rapport commandé par les autorités fédérales.
La tempête passée, une nouvelle bataille s'annonce. L'Union européenne entend s'attaquer le plus rapidement possible à la levée du secret bancaire, marque de fabrique des banques helvétiques. «Zurich a fait un pas vers l’Union», observe Jean Quatremer de Libération , avec l'abolition des avantages fiscaux accordés aux riches étrangers.
lundi 26 janvier 2009
La Suisse va-t-elle buter sur l'Europe aux prochaines votations ?
Les regards helvètes se portent aujourd'hui sur deux pays à la bordure est de l'Europe : la Roumanie et la Bulgarie. Les citoyens suisses ont rendez-vous dans les isoloirs le 8 février prochain pour se prononcer sur la reconduction d'accords bilatéraux signés en 2002. Ils concernent la libre circulation des personnes entre la Suisse et l'UE, et leur extension à la Roumanie et à la Bulgarie. Tandis que le Conseil fédéral et les cantons appellent à voter "oui", un débat nourri divise le pays.
Corbeaux noirs
L'UDC, un temps favorable, s'oppose vigoureusement au référendum. Le parti nationaliste, connu pour ses campagnes controversées, récidive. Après les "moutons noirs", l'UDC met en scène d'inquiétants corbeaux menaçant d'écharper la Suisse. Une nouvelle campagne anxiogène fondée sur l'europhobie et la peur de l'étranger, qui dénonce "la porte ouverte à tous les abus". Ces forts relents xénophobes consternent une partie de la population et ternissent sérieusement l'image du pays. "La Suisse commence à avoir une réputation de pays raciste", s'inquiète Livio Hürzeler, l'ambassadeur de Suisse à Bucarest, dans les colonnes du quotidien 24 heures.
Difficile de prévoir l'issue du scrutin. Un premier sondage commandé par SSR (Société suisse de radiodiffusion et télévision), publié le 9 janvier, donne le "oui" vainqueur à 49%, neuf points devant le "non". Le résultat s'annonce serré et les 11% d'indécis pèseront lourdement dans la balance.
Un rejet populaire des accords bilatéraux donnerait un coup de frein aux relations entre la Suisse et l'UE. La victoire du "non" conduirait à l'exclusion de l'espace Schengen. Et plus grave, il accréditerait l'idée d'une Suisse isolationniste et raciste.